Village protohistorique de Saint Quirgue
Saint Quirgue est l’habitat connu le plus ancien du territoire de la commune de Quillan, occupé dès le Néolithique.
Le site protohistorique de Saint Quirgue, centre paroissial, accueillit plus tard dans son enceinte losangique de pierres sèches une chapelle pré-romane à chœur quadrangulaire. Les restes de cet édifice appelé « la capello » sont datés des IX ème X ème siècles.
L’enceinte abrite de-même des structures d’habitation perdues dans la végétation.
UNE SÉPULTURE A INCINERATION PROTOHISTORIQUE
EN HAUTE-VALLÉE DE L’AUDE
Le site montagnard de Saint-Quirgue, à Quillan, était surtout connu par la présence sur ce plateau rocheux situé à plus de 550 m d’altitude, d’une petite agglomération médiévale et de son église, fouillée et étudiée par Christian Raynaud, village qui a probablement succédé à un habitat plus ancien, tardo-romain, dont il subsiste quelques vestiges mobilier et bases de cabanes.
Les restes encore imposants d’une enceinte en pierre sèche barrent la seule zone d’accès facile au plateau, protégé sur la plus grande partie de son pourtour par des verticales rocheuses de hauteur variable.
Cette enceinte n’est pas datée à ce jour, avec certitude ; nous avons depuis longtemps remarqué qu’elle contient des fragments de meules à va-et-vient protohistoriques ; d’autres éléments ont été retrouvés près d’une source au sud-est du site. Rien ne s’oppose à ce qu’elle soit attribuée à des occupations plus anciennes du type «oppidum», même si elle a été réutilisée aux époques historiques, cela est aussi l’avis de C. Raynaud.
Nous avons donc effectué des prospections sur le site, axées sur la recherche d’éventuels vestiges des Âges du Bronze ou du Fer (1); prospections positives, mais peu déterminantes au niveau de la chronologie et de l’organisation. Il existe des tessons en surface et dans un petit aven ; les excavations naturelles existant au pied de la face sud du plateau paraissent avoir fait l’objet de remaniements anciens.
Nous avons trouvé une anse rivée (transition bronze-fer) dans la petite grotte 2, de la céramique romaine tournée tardive dans la grotte 3. Il faut y ajouter un as d’Ampurias, à légende latine EMPOR, un peu antérieur à notre ère, près des vestiges médiévaux, au centre du plateau.
LA SÉPULTURE À INCINERATION
Il y a une quarantaine d’années, M. Bohic, agent O.N.F., ramassait au bord de la falaise méridionale quelques objets mis au jour par le ravinement. Avec son aide, nous avons pu retrouver le point exact: une petite faille rocheuse orientée au sud-est; elle contenait encore une petite partie du remplissage cendreux et quelques tessons, qui, pour la plupart, provenaient des mêmes vases que ceux conservés par le découvreur. Nous avons pu constater la présence, dans ce comblement, d’os brûlés, qui marquent, sous réserve d’une étude anthropologique plus précise, l’existence d’un dépôt funéraire.
La fissure, irrégulière, d’une vingtaine de centimètres de large, ne semble pas avoir été aménagée; le dépôt était étalé sur environ 1 m de longueur, sur une épaisseur primitive difficile à apprécier, mais certainement voisine d’une dizaine de centimètres. De même, il n’a pas été possible de préciser la disposition originelle de l’ensemble: la distribution inorganisée des fragments restés en place rappelle les déversements observés sur les tombes les plus récentes de Las Peyros II, à Couffoulens (2): cendres du bûcher, quelques charbons et os brûlés, tessons sans connexions…
Nous ignorons si le mobilier recueilli anciennement, dans les déblais, ou en place, représente la totalité du dépôt il se compose de :
– Une dizaine de fragments d’os longs brûlés, présentant les cassures hélicoïdales et la couleur blanc-bleuté caractéristiques des incinérations.
-Une fibule en bronze, type à faux ressort en arbalète et pied relevé la partie transversale est formée d’une tige bouletée recouverte d’un enroulement régulier de fin fil de bronze (faux ressort), la partie centrale est occupée par le ressort fonctionnel de la fibule, plus gros, quatre spires et corde externe diagonale (figure 1, 6), l’arc est aplati et élargi en partie centrale losangique, le pied relevé est tordu et brisé, il devait se terminer par une excroissance globulaire, sphérique ou biconique.
– Une petite boucle d’oreille aux extrémités effilées, en plomb ou, plus probablement, en argent à très bas titre (figure1, 7).
-Un ensemble de céramiques exclusivement modelées, une dizaine de vases au minimum; la qualité de la pâte et les dégraissants, sableux et micacés, paraissent homogènes. Beaucoup de surfaces sont régularisées, quelquefois polies (petits vases), un seul tesson est peigné.
Aucune forme n’est complète, parmi celles qui sont identifiables on trouve : Un fragment plat, décoré de très larges cannelures (figure 1, 1) probablement un couvercle: trois ou quatre cols d’urnes, assez verticaux ; plusieurs fragments de jarre à cordon impressionné (figure 2, 10); deux tessons d’une grande coupe tronconique non décorée (figure1, 4), deux autres d’une seconde munie d’un marli (figure 2, 13); quatre tessons d’une coupelle hémisphérique (figure 1, 5); la carène d’un gobelet décoré de chevrons très profondément impressionnés (imitation d’excisé) (figure 1, 3). Les préhensions sont nombreuses (figure 2, 11): une anse à section carrée, plusieurs mamelons, quelquefois bifides (figure 2,18) et un bouton à dépression centrale (figure 2, 19).
Les déblais anciens situés au dessous de la faille, dans la falaise, mériteraient d’être tamisés; nous y avons trouvé en surface une scorie de fer, quelques débris fauniques (mouton, porc) et un tesson tourné à pâte claire, qui pourrait appartenir aux productions ibéro-languedociennes. Toutefois ces éléments n’appartiennent pas nécessairement au dépôt étudié.
Les indices chronologiques sont assez cohérents, compte-tenu des survivances souvent observées dans la céramique modelée de ce versant des Pyrénées. L’ensemble est très comparable à ce qui est connu en moyenne vallée de l’Aude à la fin du Premier Âge du Fer et au début du second: urnes à col vertical, coupes, décors impressionnés, coupelles hémisphériques ou gobelets carénés (3), retrouvés à Carsac, Carcassonne-Cité, Couffoulens, ou à l’Agréable à Villasavary. L’élément le mieux daté est. bien entendu, la fibule, d’un type répandu sur les deux versants des Pyrénées, que nous placerions volontiers, par rapport à l’évolution locale de ces fabrications, au début ou dans la première moitié du V s. av. J.C.; il est à rapprocher, en particulier, d’exemplaires de Las Peyros II (4). La boucle d’oreille est moins typique.
Les rites funéraires absence probable d’ossuaire, bris du mobilier, sont aussi très fréquents sur les sépultures de cette époque, dans tout le bassin audois (5).
Il est encore impossible de préjuger de l’appartenance de ce dépôt à une nécropole plus importante, cela nécessitera une fouille plus étendue. L’utilisation d’une faille naturelle ne saurait surprendre sur un terrain constitué par de la roche dure, avec une couche arable très mince; le fait est connu, à différentes périodes, en Languedoc (Sud du Massif-Central, Lauragais…).
L’intérêt de la découverte réside dans l’identification d’un nouveau site d’habitat protohistorique en Haute-Vallée, peu nombreux sont ceux qui ont été situés; il est augmenté par la présence d’une sépulture, dont nous ignorions le type dans cette partie du relief nord-pyrénéen.
Les observations faites ici soulignent le peu de décalage entre ces caractéristiques et celles de sites placés en aval (Limouxin ou Carcassés); elles incitent à la prudence quant à l’application de datations basses à des profils et décors céramiques archaïsants trouvés sur le plateau de Sault ou dans les Hautes-Corbières (6). La présence de céramique ibéro-languedocienne prouverait, si elle était confirmée par la présence de fragments plus caractéristiques, une activité commerciale plus profonde et plus ancienne que nous ne l’avions supposé, pour cette partie de la vallée de l’Aude.
Références bibliographiques et remerciements
1) Nous remercions notre collègue Christian Raynaud professeur d’Histoire de l’aide et des renseignements apportés lors des premières prospections, par sa connaissance du site. M. Bohic, pour l’obligeance avec laquelle il nous a communiqué ses découvertes.
2) M. Passelac, G. Rancoule, Y. Solier archéologues, anthropologues: La nécropole de Las Peyros à Couffoulens, découverte d’un second groupe de tombes. R.A.N., XIV, 1981, p.31.
3) G. Rancoule : Contribution à l’étude des céramiques modelées de l’Age du Fer dans le département de l’Aude, D.A.M. 7, 1984 p.7-26.
4) M. Passelac, G. Rancoule, Y. Solier: La nécropole… op. cit.. p.45-46.
5) G. Rancoule: Usages funéraires dans l’Aude au 1er Age du Fer et au début du second, D.A.M. 12, 1989, p.47.
- Rancoule: Remarques sur le sort du mobilier funéraire dans les sépultures de l’Age du Fer en Languedoc occidental, Homenatge al Profesor Juan Maluquer de Motes, 7e col. intern. de Puigcerda, 1988 p.159-162.
6) J. Guilaine, G. Rancoule: Protohistoire du Pays de Sault, Pays de Sault, espaces, peuplement, population, 1989 C.N.R.S… p.139-141.
7) Société Scientifique de l’Aude SESA
– Photos par drone de l’oppidum St.Quirgue: LHVA. DRONE
Sur une idée de Louis S.